Vive l’écriture inclusive !

(c) https://perspectives.design/
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L’écriture inclusive fait débat, mais comme souvent, le débat est biaisé car lourd de sous-entendus. Quiconque prône l’écriture inclusive = féministe = gauchiste = dangereux pédagogiste. (Tiens « pédagogiste » est souligné de rouge au moment où que je rédige cet article… Un néologisme inventé par les réactionnaires, marrant, ça !)

L’écriture inclusive, ça consiste à inclure d’emblée le féminin des noms de personnes comme dans : les ami·e·s, les invité·e·s. L’idée est de défendre une langue moins centrée sur le masculin, qui, depuis des temps immémoriaux, l’emporte, comme chacun le sait (ou s’emporte, quand il s’agit de la version macho qui n’aime pas qu’on marche sur ses platebandes…) Bref, une langue plus équilibrée, qui n’exclut pas la moitié de l’humanité dès que l’occasion se présente…

Pour ce faire, plusieurs procédés typographiques sont à notre disposition :

  • les ami(e)s
  • les ami/e/s
  • les ami-e-s
  • les ami.e.s
  • et enfin les ami·e·s

La dernière option a ma préférence : on utilise le point médian (Alt+250 au clavier), c’est le procédé le plus clair, le plus discret, et le plus facile à lire. L’utilisation du point ordinaire (.) est plus gênante, je trouve, car ce point a un sens, il marque la fin d’une phrase [oui je sais j’enfonce une porte ouverte]. Pour les apprentis lecteurs, son emploi peut prêter à confusion.

Deux cas coexistent pour les noms ayant un masculin et un féminin : quand la différence entre masculin et féminin tient à un simple « e », la lecture n’est généralement pas gênée, ou si peu : les auteur·e·s, par exemple. On peut oraliser le nom sans problème. Quand la différence est plus marquée, comme pour les lecteurs·trices … je n’en suis pas fou. Tant qu’à faire, il vaut mieux écrire les lectrices et les lecteurs, ça pose moins de problème pour lire à haute voix.

Certains s’inquiètent de la difficulté supplémentaire pour les jeunes élèves. Mais tout est question d’habitude ! D’autres difficultés jonchent le chemin de l’apprentissage de la lecture, que nous ne voyons plus car nous sommes des cracks ! Par exemple, quand on lit un nom propre, la majuscule véhicule une information sous-jacente qui ne s’entend pas, mais qu’il faut prendre en compte au moment où on le lit : par exemple Rose ou rose, ça ne renvoie pas à la même réalité et il faut l’intégrer en lisant.

Autre exemple : les lettres -ent en finale de mot, qu’il faut interpréter différemment selon qu’il s’agit d’un verbe conjugué (ils partent) ou d’une autre classe grammaticale (souvent, un paravent, violent) Et ça aussi, c’est difficile pour nos élèves ! L’écriture inclusive nous surprend, on la perçoit comme difficile (notamment à oraliser) parce qu’elle bouscule nos automatismes, mais je suis persuadé que c’est temporaire. Il en va de même pour l’orthographe rénovée : une fois qu’on y est passé, très vite on n’y pense plus.

Est-ce une option vraiment trop difficile pour les élèves ? Hier, en classe (CE2) nous avons préparé l’élection du conseil des élèves. Voici les mots-clés que j’ai écrits au tableau :

vote – voter – délégué·e·s – candidat·e·s

élections – conseil des élèves

élu·e·s – élire

Les élèves ont ensuite utilisé ces mots dans des phrases (cahier d’essais), puis nous avons construit ce petit texte :

Nous allons bientôt élire le conseil des élèves : nous allons voter pour choisir les délégué·e·s. Il faudra choisir les meilleur·e·s candidat·e·s. Les délégué·e·s de toutes les classes se réuniront pour trouver des solutions aux problèmes de l’école et proposer des nouvelles idées.

Inutile de préciser que le thème même de ce texte imposait une stricte égalité de traitement entre les filles et les garçons ! A ma (petite) surprise, les élèves ont d’emblée très bien compris le principe et l’ont utilisé, ma foi, avec pertinence pour la plupart…

Enfin, pour que l’écriture inclusive se développe, il faut qu’elle gagne en ergonomie. Une combinaison de 4 touches (Alt + 2 + 5 + 0) pour obtenir un simple point médian, ça fait beaucoup ! J’aimerais que le dictionnaire de Word (ou des autres traitements de texte) traduise tout seul « les ami.e.s » en  » les ami·e·s ». Les mots concernés ne sont pas si nombreux, il suffirait d’ajouter cette option au vérificateur orthographique… Un jour prochain peut-être !

PS : Et bravo aux éditions Hatier qui ont lancé le mouvement !

  1. D’accord sur le principe pour donner autant de poids au féminin qu’au masculin. Mais si on rajoute des adjectifs et participes passés, ça rajoute quand même pas mal de mots qui doivent être modifiés ou codés différemment.

    • Tout est affaire d’équilibre… Et le nombre d’écrits concernés par l’écriture inclusive n’est pas forcément important. Il ne s’agit pas de tout rédiger de la sorte, seulement quand ça se justifie.

  2. Ayant un enfant dyslexique et dysorthographique, ce mode d’écriture est purement un enfer en soi. Que les administrations souhaitent s’en servir, bien qu’inutile, pourquoi pas ; qu’on l’utilise dans des manuels scolaires et/ou des livres destinés à des élèves, c’est une aberration. Je ne suis pas féministe, mais pas contre non plus. Grâce à ce mouvement les femmes ont pu, dans bien des cas, acquérir les même droits que les hommes. Cependant, les réformes en tout genre, bonnes ou mauvaises, ont déjà mis en difficulté beaucoup d’élèves quant à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Ne serait-il pas temps de faire en sorte que nos enfants sachent lire et écrire à l’entrée en sixième (ce qui n’est majoritairement pas le cas actuellement) avant de se poser la question du « politiquement correct » des genres ? Parce que l’écriture inclusive n’est rien d’autre que du « politiquement correct », les genres et les nombres s’apprenant à l’école… Je m’interroge sérieusement sur le devenir de l’école et de nos enfants…

    • Vous dites vous interroger sérieusement sur le devenir de l’école. Le sérieux consisterait en premier lieu à étayer vos propos, par exemple sur le fait qu’une majorité d’élèves ne sauraient ni lire ni écrire à l’entrée en sixième. Et même si c’était le cas, on a du mal à voir le rapport avec l’écriture inclusive…