Étude de la langue et écriture

J’ai animé ces trois derniers samedis un atelier dans une circonscription voisine, sur le thème « écrire et orthographier au quotidien : un double défi à relever ».

Échanges nourris et mutualisation de pratiques, des collègues de cycle 3 impliqués, à la recherche de solutions pratiques pour mettre en œuvre les programmes de 2016. Good vibrations !

Voici l’une des pistes que nous avons explorées : celle qui consiste à ne pas considérer l’écriture comme l’aboutissement d’un processus d’apprentissage, dans l’espoir du fameux transfert (Anne, ma sœur Anne…), mais plutôt à proposer des moments d’écriture en cours d’apprentissage, en mettant l’accent d’emblée sur le point de langue qu’on souhaite travailler.

Ainsi, j’ai proposé cette activité :

• Genre : Écriture poétique
• Thème : Noël
• Contrainte d’écriture n°1 : écrire un texte constitué uniquement de verbes à l’infinitif.
• Contrainte d’écriture n°2 : penser aux rimes !

D’abord un peu surpris, les collègues se sont lancés. L’activité provoque inévitablement une réflexion sur la langue : les contraintes sont fortes, mais loin de freiner ou d’empêcher l’écriture, elles la guident et l’étayent. Les contraintes réactivent des savoirs plus ou moins durablement installés (la notion de verbe, d’infinitif, les terminaisons en -er, -ir, -oir, -re, -endre qui caractérisent cette forme verbale, et qui seront inévitablement sollicitées pour faire varier les rimes).

Autre piste explorée : rendre l’écriture moins individuelle, plus collaborative. Emprunter aux autres des idées, des mots, des structures, ce n’est pas copier, c’est s’enrichir mutuellement des trouvailles de chacun !

En l’occurrence, ici, on peut tout à fait mettre au « pot commun » tous les infinitifs trouvés, puis les réorganiser. Voici par exemple la production d’élèves de cycle 3 :

Ce poème, mis en musique, devint cette chanson de Noël :

Une production d’écrit de ce type peut devenir la référence de la classe quand il s’agit de déterminer si un mot est bien un verbe : on évoque quelques verbes, tels attendre, écrire, rêver, puis le mot qu’on veut catégoriser, par exemple miroir. Sans passer par une définition du verbe, toujours délicate à appréhender, l’élève est en mesure d’affirmer que miroir n’est pas un verbe : cette procédure analogique s’appuie sur une reconnaissance du verbe à partir de quelques prototypes bien connus de cette catégorie grammaticale.

Des prolongements sont possibles : on peut par exemple classer ces verbes dans trois colonnes :

• ceux qui fonctionnent toujours sans complément de verbe (neiger, s’habiller, s’amuser, sourire…)
• ceux qui peuvent se passer d’un complément de verbe (écrire, attendre, rêver,…)
• ceux qui ont toujours besoin d’un complément de verbe (souhaiter, inviter, offrir, démonter,…)

Bien d’autres pistes sont à explorer… Mais  il me semble que des habitudes anciennes, héritées de notre culture pédagogique, sont à faire évoluer, entre autres :

• la production d’écrit n’est pas forcément synonyme de rédaction ou d’angoisse de la page blanche ;
• l’écriture n’est pas forcément l’aboutissement d’un processus d’apprentissage, elle peut en constituer le commencement ;
• si l’on veut réellement écrire au quotidien, il faut imaginer de nouvelles démarches pour que les moments d’écriture ne se surajoutent pas à tout le reste, mais s’insèrent dans des séances d’apprentissage, voire les remplacent ; on peut produire de l’écrit tout en s’entrainant, s’exercer tout en produisant de l’écrit ;
• Écrire au quotidien, c’est se montrer à la fois modeste (dans la quantité d’écrit produit) et exigeant (dans la qualité de l’écrit produit) ;
• Écrire doit devenir « l’ordinaire de l’écolier », pour reprendre la jolie formulation des programmes.

A l’issue d’un des ces ateliers, une collègue inspirée m’a transmis ce poème sur le métier de PE….

Bien vu !