Les nouveaux programmes mettent en avant la maitrise de l’oral.
Développer la maitrise de l’oral suppose d’accepter essais et erreurs dans le cadre d’une approche organisée qui permette d’apprendre à produire des discours variés, adaptés et compréhensibles permettant ainsi à chacun de conquérir un langage plus élaboré. Les séances consacrées à un entrainement explicite de pratiques langagières spécifiques (raconter, décrire, expliquer, prendre part à des interactions) gagnent à être incluses dans les séquences constitutives des divers enseignements et dans les moments de régulation de la vie de la classe. Ces séquences incluent l’explication, la mémorisation et le réemploi du vocabulaire découvert en contexte. (programmes du cycle 2)
L’oral est parfois vu comme un domaine à part entière : faut-il mener des séances d’oral, comme on mène des séances de mathématiques ou de découverte du monde ? Les programmes sont clairs sur ce point : il ne s’agit pas de travailler l’oral hors contexte, « hors-sol » allais-je dire, mais au contraire d’inclure à des séances d’apprentissage, quelque soit le domaine d’enseignement, des moments spécifiques où l’oral est le point d’attention central pour les élèves.
Une excellente opportunité de travailler l’explicitation est de demander aux élèves de rappeler comment faire pour bien réussir l’activité sur laquelle on va travailler. Dans CLEO, les séries d’activités étant de format et de niveau de complexité constante, il est relativement facile pour l’élève de se remémorer ses erreurs et réussites des séances précédentes et de focaliser assez efficacement sur les paramètres conditionnant la réussite.
Mais il est plus ardu de verbaliser, de mettre en mots, car les concepts et les catégories grammaticales ne sont pas encore fermement ancrées en mémoire. Quand un élève volontaire vient au tableau, il sait que je ne l’interromprai pas, et qu’il devra produire un discours continu et autonome.
Voici par exemple ce que propose Raphaël, en CE1 :
Il s’agit de la troisième activité d’une série de 6 :
« Faut choisir la couleur qu’on veut… mais, par exemple, si on veut choisir bleu, il faut regarder toujours le mot là [Raphaël montre le déterminant les précédant cheveux ] parce que … des fois c’est une, des fois c’est un et des fois ça peut être des. Donc il faut bien regarder si y’a pas les, des, de, ou un. Donc… après il faudra bien regarder, après on pourra mettre la couleur qu’on veut. »
Ce que propose Raphaël est entièrement interprétable par les enseignants que nous sommes… mais pas par l’ensemble des autres élèves : la procédure qu’il propose se focalise, à juste titre, sur le déterminant précédant le nom, permettant de s’assurer du genre et du nombre de ce nom, et donc de l’adjectif le qualifiant.
« Donc… après il faudra bien regarder » dit-il ensuite. Ici l’implicite est bien plus prégnant : regarder quoi ? Regarder où ? L’accord entre nom et adjectif n’est pas explicité. C’est à ce point que les élèves les plus fragiles risquent le plus de décrocher. C’est donc à nous, enseignants, de reprendre cette intervention orale d’un élève et d’expliciter tout ce qui mérite de l’être : déployer précisément le cheminement de pensée proposé par Raphaël et le détailler pour que tous les élèves le comprennent et l’intègrent.
Deux semaines plus tard, c’est au tour de Sami de prendre la parole devant la classe pour rappeler la procédure à suivre dans cette série d’activités d’entrainement :
« Il faut lire le texte, puis après il faut mettre une couleur… la couleur qui est tout en haut de la page. Là c’est marqué Mélanie a les cheveux … On peut mettre rouges, verts, la couleur qu’on veut… mais … pas n’importe laquelle, il faut mettre… avec les , y’a… plusieurs sortes d’écrire les couleurs… par exemple pour blond : blonde et blond, et pis blonds avec un s et blonde sans s … euh, avec un s. Devant euh… avant cheveux, y’a les, donc là y’a un s. Il faut bien regarder ici [Sami montre le déterminant les].
Sami n’est pas un élève en difficulté. L’explicitation de procédures est un exercice ardu, exigeant. Pour les élèves, il est souvent plus facile de réciter une leçon apprise par cœur que de verbaliser une procédure dans leurs propres mots. Cela demande du temps, et de l’entrainement. Travailler à l’oral, c’est ça, entre autres.