Difficile de dire à quel point je suis affecté par la disparition de Rémi Brissiaud. Comme beaucoup d’enseignants du primaire, j’ai découvert Rémi à travers Picbille dans les années 1990. Moi qui ne m’intéressais guère à la didactique des maths, j’ai commencé, grâce aux guides pédagogiques de « J’apprends les maths », à aimer enseigner les maths, grâce à une meilleure compréhension des procédures d’apprentissage et partant, des difficultés des élèves. Travaillant en REP, j’ai acquis la conviction que c’était l’école qui était en difficulté avec ces élèves, plutôt que l’inverse.
Dans les années 2000, j’ai eu la chance que Rémi fasse partie de l’équipe de formateurs de haute volée du master « ingénierie du conseil pédagogique » dirigé par Michel Fayol à Clermont. Il m’a permis de faire des liens entre didactique de la maitrise de la langue et didactique des maths. Avec d’autres, il m’a réellement ouvert les yeux sur les paramètres déterminants dans l’organisation des apprentissages, et dans l’efficacité des choix didactiques et pédagogiques qui en découlent.
Quelques années plus tard, je lui ai fait parvenir un ensemble disparate (!) de réflexions et de prototypes d’activités esquissant les principes de ce qui allait devenir la collection Cléo. Avec André Ouzoulias, ils m’ont encouragé à travailler sur ces principes et m’ont ouvert les portes de l’édition scolaire, monde qui semblait inaccessible et lointain au petit maitre-formateur de l’Est de la France que j’étais alors… Tous les deux m’ont donné une confiance inestimable dans mes propres capacités. A la fois chaleureux, enthousiastes, militants pédagogiques et habités par la certitude qu’il faut se montrer pugnace et volontariste pour faire avancer les options auxquelles on croit. J’ai malheureusement eu peu de temps pour faire la connaissance d’André, mais Rémi est devenu un ami, nous avons passé avec son épouse Sylviane de bons moments, au hasard de nos déplacements aux quatre coins de la France.
Rémi était quelqu’un d’impressionnant. Quand il m’a dit, il y a deux ou trois ans, qu’il enseignait les maths dans deux classes de CP en REP pendant toute une année scolaire (pour expérimenter les Noums) je me suis dit que décidément il y avait chez lui quelque chose de pas commun ! Mais au-delà de tout ça, c’est sa générosité, sa passion, son engagement que je retiens, comme ciment de notre amitié.
Sans Rémi, Cléo n’existerait pas. Tout récemment encore, alors qu’il luttait contre le cancer, il m’a fait l’amitié de relire et corriger un copieux chapitre du guide pédagogique de Cléo GS. Peu de personnes ont eu une telle influence sur le cours de ma vie, et ma peine est immense.
A Sylviane, je renouvelle ici mes condoléances et mon soutien. Que tous ceux qui l’ont connu, croisé, apprécié, aimé, continuent à lutter à sa suite, pour une École plus juste, plus efficace, plus audacieuse.
Merci pour tout, Rémi.
Sylvie CUCHIN a dit :
Quel magnifique hommage, Antoine ! Tu as trouvé les mots justes. Rémi le méritait.
Nous aurons tous à coeur de poursuivre son oeuvre. Sylvie CUCHIN