Je suis en train de faire un grand tri dans mes archives musicales et pédagogiques (vaste tâche !)
Je suis tombé sur une bande pour magnétophone (non, non, pas une cassette, une bande magnétique !) qui dormait dans un carton depuis … presque 35 ans. Comme je n’avais rien pour l’écouter, j’ai trouvé un magnétophone à bande de bonne facture sur « le bon coin », pour un prix tout à fait raisonnable.
La bande a souffert des assauts du temps : moisissures, et surtout détérioration due sans doute à des modifications chimiques ou à l’humidité. Il était grand temps de la numériser.
C’était un projet que j’ai mené à l’école de Thiéfosse, village des Hautes-Vosges où j’enseignais dans une classe de CM1-CM2.
On a passé l’année à créer des chansons avec cette trentaine d’élèves, et j’ai tenté de leur donner le gout de la musique autant que de l’écriture. Comme une élève jouait un peu d’accordéon, ça m’a donné l’idée de former un petit orchestre en initiant les élèves à tous les instruments que je possédais ou qu’on m’avait prêtés, et permettant assez rapidement de tirer des sons harmonieux, même par des débutants : percussions, flute à bec, flute de pan, métallophone, mais aussi basse électrique, batterie, psaltérion, cithare, auto-harp… Les séances de musique étaient un beau bazar, je me souviens d’un collègue qui est rentré dans ma classe pendant l’une de ces séances et qui n’en revenait pas ! Chacun·e jouait dans son coin, dans une joyeuse et totale cacophonie, jusqu’à ce que je parvienne, peu à peu, à les faire jouer ensemble.
Il faut dire qu’à l’époque n’existait pas encore l’école de musique aujourd’hui implantée dans le village d’à côté, et qui a permis, depuis, de faire pratiquer la musique aux enfants de cette vallée.
Parallèlement, je menais un projet annuel sur la création de chansons. Et les résultats étant honorables, nous avons produit, pour la coopérative scolaire, un disque 45 tours qui fut vendu à plusieurs centaines d’exemplaires.
La première de ces chansons était intitulée « Le temps », librement inspirée de la structure d’une magnifique chanson de Bernard Haillant, que je vous invite à écouter d’abord.
Les élèves ont dégagé la structure des paroles, chaque ver des couplets commençant par une comparaison introduite par « comme » ou « ainsi que », le refrain quant à lui se résumant à ces trois mots « une mort douce ».
J’ai proposé aux élèves de créer notre première chanson en s’inspirant de cette structure, sur le thème du temps qui passe.
Ce fut une sorte de remue-méninges, et les élèves ont produit une quantité impressionnante de propositions.
Elles furent lues, commentées, parfois améliorées, puis regroupées autour de quatre thèmes :
- le temps qui semble passer lentement ;
- le temps qui, au contraire, semble fuir ;
- le temps qui semble s’arrêter brusquement, en raison d’un événement décisif ;
- le temps qui est cyclique, comme le cours des saisons.
Ensuite est venue l’étape de créer les couplets, chaque élève sélectionnant, organisant, adaptant les propositions qu’il préférait. C’est à cette phase que la préoccupation des rimes, des assonances, du rythme a pris de l’importance.
Tous les élèves, quelles que soient leurs aptitudes créatives ou leurs compétences en écriture, ont participé à ce projet, d’abord à un niveau individuel, puis profitant des trouvailles de tous pour les assembler à leur idée.
Une fois les paroles stabilisées, j’ai composé la musique en m’inspirant des quatre thèmes successifs : d’abord lente et chantée legato, puis rapide et rythmée, puis staccato, le chant interrompant les notes finales abruptement, pour finir sur un rythme de valse.
Quelle joie pour ces élèves de réaliser qu’ils étaient capables d’écrire une telle chanson ! Joie d’ailleurs partagée par leur enseignant, évidemment…
Je vous invite à l’écouter, ressuscitée de justesse après 35 ans de sommeil, et à me dire ce que vous en pensez.
Et oui, ce sont bien les élèves qui jouent tous les instruments, à part le piano. Cela vous donnera-t-il l’envie de tenter l’expérience avec votre classe ? C’est tout le bonheur que je vous souhaite !
PS : Après la création de cette chanson, les élèves m’ont bien fait sentir qu’ils avaient envie d’explorer d’autres styles : rap, rock… J’en reparlerai ! Et si l’un·e ou l’autre de ces ancien·ne·s élèves lit ces lignes, qu’il ou elle n’hésite pas à me faire un petit coucou. J’ai vécu deux années inoubliables avec cette classe…