Trois pattes à un canard

Faire écrire chaque jour, même si on n’a pas le temps, même si ce n’est pas la forme olympique, même si on accueille ce jour-là son vingt-septième élève et qu’on n’a même pas un coin de table à lui offrir …

Notre métier est fait de hauts et de bas, de moments où l’on soulèverait des montagnes et d’autres où l’on n’arrive plus à soulever la pile de cahiers à corriger… Et souvent cette impression lancinante de ne pas en faire assez…

Hier, une poignée de minutes avant la sonnerie de midi, pas une énergie folle (ni du côté du maitre, ni de celui des élèves !), pas d’idée de génie pour clore la matinée.

Une phrase me trotte dans la tête : « Par un soir tout noir, il rejoignit son excellente famille. » C’est tiré de « L’enfant d’éléphant », de Rudyard Kipling. Dans ce conte, l’enfant d’éléphant est en fait maltraité par tous les membres de sa famille qui, de plus, l’ont laissé s’aventurer seul près des berges du fleuve Limpopo, où vit le crocodile, sans l’avertir du danger… Excellente famille, tu parles ! On a longuement débattu en classe de cette famille indigne, qui passe son temps à cogner sur l’éléphanteau en guise de réponse à tous ses questions. Et là me vient un petit bout d’idée : modifions cette phrase d’une ironie grinçante, écrivons la réalité. Des propositions fusent  aussitôt : méchante famille ! Horrible famille ! Mauvaise famille !

Consigne très rapide : dessinez le tracé du chemin qui ramène l’éléphanteau vers sa famille, faites courir la phrase de Kipling sur ce chemin et corrigez-la sans vergogne. Des élèves sortent leur répertoire à la page des adjectifs, pour augmenter la collection de mots pouvant remplacer « excellente » et vérifier leur orthographe. On n’écrit pas sur les lignes, on peut écrire en couleur, on a tous les droits, et on prend plaisir à écrire.

excellente famille

Bilan ?

Oh, une activité modeste, qui ne casse pas trois pattes à un canard, mais un bon moment de classe, à la portée de tou.te.s, sans prise de tête… ça fait du bien, de temps en temps !

  1. Christelle Renoux a dit :

    Très bonne idée effectivement ! Pour l’énergie, j’espère qu’elle est revenue !

    Côté écriture quotidienne, ma classe semble y prendre plaisir et en tout cas, les élèves cherchent dans leurs outils pour tenter de s’améliorer. Et le petit moment de plaisir où quelques élèves lisent leur production y est peut-être pour quelque chose.

    

  2. Véronique Druot a dit :

    Dans ma classe, la mise en place du choix de texte est une forte motivation à l’écriture. L’idée de pouvoir lire son texte aux autres en réjouit plus d’un.

  3. Si si, ça casse 3 pattes à un canard !!! Parce que remettre de la vérité là où il en manque cruellement, c’est salvateur. J’ai remarqué dans ma classe que les enfants s’engageaient d’autant mieux dans une activité que celle-ci proposait une  »leçon » d’humanité. Proposer un enseignement qui touche l’âme, YES !