Des répertoires pour écrire juste, du premier coup !

2 couvJe travaille depuis plusieurs années sur une problématique que nous connaissons bien, au cycle 2 comme au cycle 3 : quel outil proposer aux élèves pour qu’ils trouvent, vite et bien, l’orthographe des mots qu’ils souhaitent écrire ?

La réponse « naturelle » semble l’utilisation du dictionnaire. Dans les faits, le dictionnaire n’est pas vraiment adapté à cet usage, nous allons voir pourquoi.

D’abord, le dictionnaire est conçu avant tout pour trouver le sens de mots inconnus, et non leur orthographe. Autrement dit, si un élève veut écrire « hangar », qu’il se met à le chercher, au petit bonheur la chance, dans les mots commençant par AN, puis par EN, éventuellement par AM ou EM, nous savons tous que le temps de recherche va être très long et, bien souvent, improductif.

hangar
Larousse des débutants

Par ailleurs, le dictionnaire (et c’est bien son rôle premier) fournit les définitions des mots recherchés. Cette caractéristique a une incidence évidente sur le nombre de pages : 674, par exemple, pour le Larousse des débutants pourtant destiné aux élèves de cycle 2. Les mots commençant par [ã], toutes graphies confondues, figurent sur un total de 23 pages dans ce dictionnaire. Pour les élèves, cela revient à chercher une aiguille dans une botte de foin. Lourds, encombrants, difficiles à manipuler et à ranger dans les casiers, le sort des dictionnaires scolaires est souvent peu enviable : ils prennent la poussière sur une étagère au fond de la classe…

Autre caractéristique : les dictionnaires présentent une majorité de mots dont le sens est inconnu (ou peu connu) des élèves. Ils sont donc des outils de référence pour comprendre des mots tels sceptre, gracieux, sacrifier… En revanche, il y a très peu de chance qu’un élève ait besoin d’écrire spontanément  l’un de ces mots : le vocabulaire mobilisable en situation d’écriture  est de l’ordre de 1500 mots pour un élève de cycle 2, et de 4000 mots au cycle 3. Rechercher l’orthographe d’un mot parmi 7 500 (dans le Larousse des débutants ; mais 20 000 dans le Larousse Maxi Débutants, et 30 000 dans le Robert Junior…), lorsqu’on n’en utilise qu’environ 1500, rend la tâche plus ardue que nécessaire.

Non, décidément, le dictionnaire n’est pas le meilleur outil pour vérifier l’orthographe d’un mot !

Certains outils publiés ont apporté des éléments de réponses à la question de la vérification orthographique :

  • ribambelle
    Mes outils pour écrire, éd. Hatier

    lexiques thématiques (comme ceux qui figurent dans Mes outils pour écrire de la collection Ribambelle, publiée chez Hatier)

 

 

 

  • répertoire 3000 mots
    3000 mots … PEMF

    répertoires orthographiques s’appuyant sur une forme plus ou moins phonétique des phonèmes initiaux, tels 3000 mots pour écrire et se corriger tout seul publié chez PEMF, …

 

 

 

 

 

 

 

 

  • … ou encore Eurêka ! publié chez De Boeck ;

    eurêka
    Eurêka !, De Boeck

     

 

 

 

 

 

 

 

  • le Diclé, dictionnaire destiné à des publics divers : apprenants de Français Langue Étrangère, adultes en situation d’illettrisme, etc.
    diclé
    Diclé, Retz

     

 

 

 

 

 

 

 

Chacun de ces outils a des avantages et des inconvénients dont je vous laisse juge. Pour ma part, je cherchais une solution intégrant différents paramètres, parfois très difficiles à concilier…

  • un format léger (32 pages), facile à manipuler et à ranger ;
  • un nombre de mots réduit, correspondant aux besoins réels des élèves en écriture : 1 500 pour le cycle 2,  4 000 pour le cycle 3 ;
  • une clé d’organisation limitant drastiquement le nombre de pages à tourner (généralement une ou deux doubles-pages au maximum) ;
  • une présentation favorisant la vigilance orthographique avant même que le mot ne soit écrit ;
  • une lisibilité facilitée grâce à l’utilisation de codes couleur et de choix typographiques spécifiques ;
  • Le regroupement des mots selon leur phonème initial (par exemple tous les mots commençant par [ã] sont regroupés), mais sans passer par le biais d’une transcription plus ou moins phonétique.

 

La première option retenue, assez radicale, a été d’organiser le répertoire en tenant compte des classes grammaticales, mais aussi, dans certains cas, de catégories plus thématiques. Ainsi, la première question que se pose l’élève quand il cherche l’orthographe d’un mot est celle de la catégorie dans laquelle il est rangé : noms d’animaux, de personnes ou de personnages, noms concrets, noms abstraits, adjectifs, verbes, mots et expressions pour poser des questions, pour s’exclamer, pour écrire où ça se passe, quand ça se passe… Chaque rubrique est accessible grâce à un onglet de couleur. Cette première clé d’organisation se révèle en pratique très facilitante ; d’après les retours d’expérimentation en classe, elle semble développer la conceptualisation des classes grammaticales, et ce, avant même que les élèves de cycle 2 n’aient commencé à apprendre formellement ce qu’est un nom, un adjectif ou un verbe.

répertoire indexonglets

La deuxième option retenue a été d’aménager, à la marge, l’ordre alphabétique traditionnel, afin de ranger ensemble les mots commençant par le même phonème, et ce sans utiliser un codage plus ou moins phonétique. L’expérience prouve que les élèves apprennent à trouver rapidement ce qu’ils cherchent, après un temps d’adaptation relativement court.

index

La troisième option retenue a été de soigner la présentation typographique, afin que les listes de mots aient une lisibilité maximum et que les recherches soient couronnées de succès le plus rapidement possible.

an am en

La quatrième option retenue a été de présenter les variantes en genre et en nombre de manière explicite. Au cycle 2, les variantes apparaissent in extenso :

animaux cycle2

Au cycle 3, j’ai opté pour une présentation plus compacte des variantes orthographiques, qui utilise le point médian. Mais ici, rien à voir avec l’écriture inclusive, hein !!

animaux cycle 3

Pour les verbes, les différentes bases verbales sont données si nécessaire :

verbes

Ces axes de conception sont de nature à activer chez l’élève un raisonnement orthographique, car cela l’amène à opérer systématiquement un choix entre des formes concurrentes.

Comme tout jeune papa, je suis fier de pouvoir annoncer la parution prochaine de ces deux répertoires, aux éditions Retz. (À noter que leur utilisation est totalement indépendante de celle des manuels ou fichiers CLÉO.)

Je suis (une fois de plus !) redevable à André Ouzoulias, qui en 2013, au cours d’un échange de mails, m’a donné envie de reprendre ce vieux projet qui attendait son heure au fond de mon cerveau… Cinq ans plus tard, ces répertoires vont enfin voir le jour, et j’en suis particulièrement heureux[1]. Ils constituent une réponse concrète à une exigence cruciale : installer le plus tôt possible des habitudes chez l’élève pour qu’il soit conscient que l’orthographe ne s’invente pas, et qu’il ait à sa disposition une palette d’outils et de stratégies pour s’assurer de l’orthographe des mots qu’il souhaite écrire[2]. Cette vigilance orthographique précoce fait entrer l’élève dans un cercle vertueux : le fait d’écrire aussi souvent que possible la forme exacte des mots contribue à mémoriser leur orthographe sans interférence avec des formes erronées.

… Et vous, vous en pensez quoi ? N’oubliez pas que ce blog se veut un lieu d’échange et de réflexion, et que vos commentaires sont les bienvenus !

  • [1] Une première version du répertoire cycle 2 était parue en 2015, utilisant l’ordre alphabétique traditionnel.
  • [2] Pour en savoir plus, voir : Lecture Ecriture – Quatre chantiers prioritaires pour la réussite, André Ouzoulias, Retz, 2013

 

  1. Christelle Renoux a dit :

    Tout à fait d’accord. Le dictionnaire n’est pas utile pour orthographier. C’est trop long pour les élèves d’y chercher l’écriture d’un mot. Je me suis donc tournée vers les répertoires de pemf que mes élèves utilisent avec plaisir ainsi que vers un exemplaire du diclé, d’Eurêka, de Grand Eurêka et de Bingo. Je vais aussi essayer ceux-là. Merci pour ce travail.

  2. Déjà utilisatrice de la première version Cycle 2. Effectivement les élèves se l’approprient pour peu qu’on ait présenté l’outil avant et fait des « exercices » pour en comprendre l’utilisation (j’ai des CE2). Seul « regret », on n’y trouve pas tous les mots voulus : pour des CE2, une version C3 plus dotée peut valoir le coup… J’en parlerai à mes collègues pour les niveaux au-dessus aussi ! Je commence à convaincre certains déjà avec la méthode CLEO… mais les budgets ne suivent pas toujours…

    • J’ai eu le même ressenti avec certains de mes propres CE2 : L’an dernier, en fin d’année, j’ai mis à leur disposition deux exemplaires du futur répertoire cycle 3 (sous forme de prototype). Les élèves les plus avancés s’en sont emparé avec bonheur ! Une solution possible : panacher les répertoires cycle 2 et cycle 3 pour une classe de CE2, qui se trouve effectivement à la charnière entre les deux versions.

  3. C’est très malin, votre approche ! Et, sans l’avoir testée, je la devine efficace. Puisque vous êtes intéressé par l’apprentissage de l’orthographe, je me permets d’attirer votre attention sur mon propre travail : l’orthographe, je l’ai « transposée » en 75 fables et 25 chansons ! Le but : faire en sorte que celui qui s’en sert travaille longtemps, et à fond, mais… sans même s’en rendre compte ! Vous pouvez en juger avec mon blog http://www.blog-orthographique.fr
    …et vive le français !

  4. Bien d’accord avec « les dictionnaires qui s’empoussièrent sur l’étagère »… pemf fonctionne beaucoup mieux! Mais je testerai bien volontiers…attrayant, visuel, tout pour accrocher!

  5. Emmanuelle JUNG a dit :

    Bonjour,
    je suis enseignante en ULIS école et je passe mon CAPA SH cette année. Dans le cadre de mon mémoire, j’ai travaillé sur les inférences. Je me suis inspirée de l’inspecteur Litou pour mettre en place une situation d’apprentissage motivante pour mes élèves. Je voudrais pouvoir vous citer en référence dans ma bibliographie mais votre nom n’apparait pas sur le document et certains sites mettent en ligne votre travail sans indiquer leur source. En tout cas, merci pour cette source d’inspiration.
    Emmanuelle

    • Tous les textes de « l’inspecteur Litou » (ou presque) sont maintenant dans Cléo CE1 et CE2. Vous pouvez donc citer ces deux ouvrages. Bonne chance pour le CAPASH !

  6. Je suis totalement fan! J’ai découvert cet outil sur le blog de Kyban il y a quelques semaines. Depuis je l’attends impatiemment! J’espère que les nouveaux répertoires paraitront vite, mais les commandes sont pour le mois prochains…
    Je croise les doigts.

    Bravo pour ce travail (énorme!), et merci. 🙂

  7. Bonjour, je ne découvre que maintenant votre site et vos idées de développement de l’écriture…
    Enseignante en CM1/CM2, je souhaite modifier ma façon de travailler pour que mes élèves écrivent plus et surtout deviennent plus autonome dans leurs écrits…
    J’attends avec impatience la parution du répertoire orthographique pour le cycle 3 !
    Bonne continuation !