Il y a des mots qui font vivre…

Je suis tombé hier, sur France Culture, sur un magnifique documentaire (en réécoute ici) : « L’œuvre de René Vautier », cinéaste, auteur entre autres du film « Avoir vingt ans dans les Aurès ».

Dans ce documentaire, René Vautier raconte une extraordinaire anecdote : Un jour, il fait écouter à Paul Éluard une version toute personnelle de son poème « Gabriel Péri », réinterprété, réinventé par un jeune militant ouvrier.

Éluard, très âgé et malade, écoute cet enregistrement ; tourné vers un mur, il semble s’être endormi. Mais Éluard se retourne : il pleurait. Il dit à Vautier : « Non, non, jeune homme, n’ayez crainte, je ne suis pas endormi, mais laissez un vieux poète se faire à l’idée que, de son vivant, un de ces poèmes a été digéré par le peuple. »

Cette émission m’a remis en mémoire ce poème que j’avais fait lire et, précisément, réinventer, par une classe de CM2 il y a une quinzaine d’années. La séance de lecture/écriture était là, toute prête, attendant sagement qu’on se souvienne d’elle.

Effrayantes et merveilleuses vicissitudes de la mémoire…


Des mots qui font vivre (cycle 3)

  1. Découvre ce poème de Paul Éluard

Gabriel Péri

Un homme est mort qui n’avait pour défense
Que ses bras ouverts à la vie
Un homme est mort qui n’avait d’autre route
Que celle où l’on hait les fusils
Un homme est mort qui continue la lutte
Contre la mort contre l’oubli

Car tout ce qu’il voulait
Nous le voulions aussi
Nous le voulons aujourd’hui
Que le bonheur soit la lumière
Au fond des yeux au fond du cœur
Et la justice sur la terre

Il y a des mots qui font vivre
Et ce sont des mots innocents
Le mot chaleur le mot confiance
Amour justice et le mot liberté
Le mot enfant et le mot gentillesse
Et certains noms de fleurs et certains noms de fruits
Le mot courage et le mot découvrir
Et le mot frère et le mot camarade
Et certains noms de pays de villages
Et certains noms de femmes et d’amies
Ajoutons-y Péri
Péri est mort pour ce qui nous fait vivre
Tutoyons-le sa poitrine est trouée
Mais grâce à lui nous nous connaissons mieux
Tutoyons-nous son espoir est vivant.

Paul Éluard
Au rendez-vous allemand, Paris, Éditions de Minuit, 1945. © Éditions de Minuit

Gabriel Péri était un résistant, fusillé par les Allemands en 1941.

Ce célèbre poème d’Éluard dit d’abord l’injustice scandaleuse de sa mort, (6 premiers vers)
puis la persistance de sa lutte pour la justice et la liberté (6 vers suivants)
pour finir par l’affirmation de valeurs communes, présentées sous la forme de mots simples, et l’appel à perpétuer la mémoire du résistant et continuer son combat.
Le poème d’Éluard est remarquable par la simplicité de son lexique, l’évidence de sa structure. C’est la force des grands poètes que de savoir écrire en se mettant à la portée de tous.

  1. Quels sont les mots qui te font vivre ?

Sur une feuille blanche, écris les mots que tu aimes, des mots simples, qui évoquent le bonheur, la justice, la liberté, etc.

Tu peux y ajouter des mots qui évoquent une cause qui te tient à cœur, par exemple : protection de l’environnement, lutte pour la paix, combat pour l’éducation des filles dans le monde, combat contre la misère et la pauvreté, lutte contre le cancer et la maladie, etc.

Organise tes mots en coroles lexicales ou en carte heuristique.

  1. Écris ton poème.

Tu pourras commencer par ces deux vers :
Il y a des mots qui font vivre
Et ce sont des mots innocents

Tu poursuivras en choisissant certains des mots que tu as écrits sur la feuille blanche. Tu peux ne choisir qu’un seul thème, ou au contraire en choisir plusieurs.
Tu pourras utiliser certaines structures comme :
Le mot … et le mot …
 Et certains noms de …
ou d’autres que tu inventeras.

Enfin, tu expliqueras pourquoi tu aimes ces mots, pourquoi ils sont importants pour toi.
Tu pourras commencer cette dernière partie par :
Voilà ce qui me fait vivre
voilà ce qui est important
voilà pourquoi il faut se battre
etc.


Il y a des mots qui font vivre
Et ce sont des mots innocents
Le mot amour, le mot tendresse, les mots papa et maman
Le mot douceur, le mot câlin,
Le nom de ma famille et le prénom de mes parents

et certains noms de sœurs, de cousins, de cousines,
le prénom de mamy, le prénom de papy,
le mot dimanche, le mot Noël, le mot vacances,
et certains noms gentils qu’on se donne en famille
mon lapin, mamounette, ma pupuce, ma chérie…

Voilà ce qui me fait vivre
l’amour de ma famille et les bons moments partagés,
pour moi c’est le plus important,
j’ai tellement de chance, je ne veux pas les perdre
sans eux, que serait ma vie ?
Émilien, CM2